Responsabilité du personnel enseignant du 1er degré

Il s'agit en l'occurrence d'un sujet complexe puisqu'il relève à la fois du droit civil, pénal et administratif et que la jurisprudence évolue sans cesse. La référence en la matière demeure toutefois la loi du 5 avril 1937.

Historique

1 -  Avant la loi du 20 juillet 1899

Ne bénéficiant d'aucun régime spécifique en matière de responsabilité, comme tous les citoyens, les instituteurs relèvent du Code civil, notamment des articles :

1382 : celui qui cause à autrui un dommage est tenu de le réparer

1383 : chacun est responsable des dommages qu'il a causés du fait de sa négligence ou de son imprudence

1384 – 1 : on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait mais encore par le fait des personnes que l'on a sous sa garde.

1384 – 4 :les instituteurs sont responsables du dommage causé par leurs élèves pendant tout le temps qu'ils sont sous leur surveillance  (pour dégager sa responsabilité, l'instituteur devra apporter la preuve qu'il n'a commis aucune faute. Le délai de prescription est fixé à 30 ans).

2 - Loi du 20 juillet 1899

Cette loi introduit un élément capital : la substitution de la responsabilité de l'État à celle de l'instituteur qui s'inscrit dans l'article 1384 modifié :

1384 modifié : la responsabilité de l'État est substituée à celle des instituteurs pour les dommages causés par les élèves pendant le temps scolaire.

Observations : il s'agit d'un progrès décisif en matière de couverture en responsabilité mais d'un progrès incomplet dans la mesure où ne sont envisagés que les dommages causés par les élèves. Le problème des dommages subis demeure entier.

À noter que cette substitution de la responsabilité de l'État à celle de l'instituteur va avoir un effet pernicieux auprès des parents qui n'hésiteront plus à engager une action contre l'instituteur dans l'espoir d'obtenir un dédommagement financier (en cas de faute lourde, l'État pourra se retourner en action récursoire contre l'instituteur pour se faire rembourser les frais supportés). Les écoles connaissent, de ce fait, un climat de psychose de l'accident.

3 - Loi du 5 avril 1937

Cette loi, aboutissement d'une longue action des personnels enseignants, apporte de nouvelles garanties et constitue, encore aujourd'hui, la référence en matière de responsabilité.

« Dans tous les cas où la responsabilité des instituteurs est engagée à la suite d'un fait dommageable commis par les enfants qui leur sont confiés ou causé à ces enfants, la responsabilité de l'État est substitué à celle de l'instituteur qui ne pourra jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants. »

Ce qu'elle apporte :

Une réforme profonde qui conduit à une protection effective des enseignants :

§         Il n'y a plus présomption de faute : la charge de la preuve incombe à la victime conformément au droit commun. Il appartient donc au demandeur :

- d'apporter la preuve d'une faute du maître.

- de prouver la matérialité du dommage causé ou subi par l'élève.

- d'apporter la preuve d'un lien de cause à effet entre la cause et le dommage.

§         Est réaffirmée la substitution de la responsabilité de l'État à celle de l'instituteur non seulement pour les dommages causés mais également pour les dommages subis par les élèves.

§         L'assignation de l'État s' effectue en la personne du Préfet et non pas de l'instituteur qui ne peut être mise directement en cause ni entendu comme témoin.

§         La prescription est ramené de 30 ans à 3 ans.

§         La Loi s'applique pour les dommages causés ou subi non seulement pendant les heures d'enseignement mais également dans le cadre des activités post et périscolaires.

Ce qui peut être perçue comme des manques

§         En cas de faute lourde avérée de l'instituteur (faute personnelle relevant de la négligence grave) l'État peut engager une action récursoire contre lui afin de se faire rembourser tous les frais supportés.

§         La prescription ne joue pas contre les mineurs : 3 ans à compter de l'accident, à l'initiative des parents ; 3 ans à partir de sa majorité, à l'initiative du mineur.

§         La possibilité de l'action pénale reste entière pour des actes volontaires (coups, outrage à la pudeur) ou pour des blessures involontaires (négligence de surveillance ). Les parents ont alors la possibilité de poursuivre l'instituteur au pénal. Dans ce cas, la charge de la preuve est inversée : c'est à l'enseignant de démontrer son innocence. S'il est incapable de le faire, la justice apprécie. L’enseignant est alors redevable sur ses deniers personnels et encourt une peine de prison. Par contre, s'il est démontré au tribunal et qu'il n'y a pas eu de faute personnelle ni de service, un non lieu est prononcé.

Observations : la protection apportée par la loi du 5 avril 1937 aux instituteurs, décourage souvent les parents qui n'ayant pas assisté à l'événement, se trouvent le plus souvent dans l'impossibilité de recueillir des témoignages leur permettant de prouver une faute de l'instituteur et d'engager une action civile. Par contre, engager une action pénale est très facile: il suffit de déposer une plainte contre l'enseignant en s'adressant au Procureur, à la gendarmerie ou au commissariat de police qui instruit l'affaire. S'il y a faute avérée, la réparation du dommage sera obtenue par la voie pénale (Tribunal répressif) avec, en prime, une sanction contre l'enseignant. Cette voie qui entraîne la sanction de l'auteur de l'infraction a, pour les victimes, un caractère exemplaire et leur apparaît comme la seule voie de nature à assurer une véritable réparation de leur préjudice, d'où l'inflation du nombre d'affaires portées devant la justice pénale.

Jusqu'en1996, seule la responsabilité civile faisait l'objet d'une protection des fonctionnaires. Deux dispositions récentes sont intervenues depuis qui permettent une certaine protection au niveau de la responsabilité pénale :

- le code pénal prévoit qu'il y a « délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d' autrui. Il y a également délit, en cas d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou les règlements ».

- l'article 11 bis A du statut des fonctionnaires précise toutefois : les fonctionnaires ne peuvent être condamnés pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de leurs fonctions que s'il est établi qu'ils n'ont pas accompli « les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de leurs missions ou de leurs fonctions, de leurs compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont ils disposaient » (article 123 - 1 du 13 mai 1996).

Ainsi, pour la première fois, le code pénal prend en compte la particularité du rôle des fonctionnaires. Par ailleurs, dans sa séance du 17 septembre 1996, le Conseil supérieur de la fonction publique et a modifié le statut général des fonctionnaires en stipulant désormais que « la collectivité publique est tenu d'apporter sa protection au fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute personnelle » (ce qui comprend notamment la prise en charge des frais de justice, honoraires d'avocats, ...).

NB : Action civile: en cas de faute du maître. C'est aux plaignants d'en apporter la preuve. But : réparation. Condamnation : dommages et intérêts.

Action pénale : en cas de négligence avérée entraînant blessure ou homicide. C' est à l' enseignant de prouver son innocence. But : punition. Condamnation: amendes et / ou prison.

Action administrative : quand il n'y a pas faute du maître mais fait dommageable résultant d'un mauvais état des locaux ou d'une mauvaise organisation du service.